Suzy Cohen

Encore des mots,
Toujours des maux

        « Fais mouche / En mon cœur / Et fais mouche / En mon corps / Avant que sonne l'heure / De ma petite mort / Bazooke-moi la tête / Enflamme tous mes sens / Arrose de milles fêtes / Toutes mes indécences. »C'est joli, non? Un rien osé, mais fort...
Extrait de
Mai 2000, C'est du Suzy Cohen. Non, ce n'est pas la petite sœur de Léonard, mais on peut imaginer ce que donne-raient certains de ses textes, traduits dans la langue du célèbre chanteur nord-américain. En lisant ses chansons et aussi en les écoutant sur de sobres musiques prenantes d'Alain Lemaître. (Un album est en préparation), on pressent qu'une audace de feu traverse cette petite femme.
         Mais qui donc est-elle ? Ne cherchez pas son nom dans les dictionnaires de la chanson, fussent-ils des plus fouillés ou des plus récents. A cinquante ans, la voilà qui débarque dans ce monde nouveau pour elle, du texte et de la chanson. Ses ancêtres juifs espagnols furent expulsés par Isabelle la Catholique et Ferdinand d'Aragon, et ils se sont retrouvés dans l'univers arabe, au Maroc. C'est là que naît, il y a cinq décennies, à Fès, notre Suzy 
: « Oui, je revendique
une culture de femme marocaine, avec ce que cela peut avoir d'archaïque, mais j'en suis fière : juive marocaine, juive arabe, déchirée… De solides racines. J'ai grandi dans la transmission de la culture de ma grand-mère qui ne parlait qu'arabe… ou plutôt arabo-judéo-hispanique… »

       Jusqu'en 1967, la jeune fille vit au Maroc. Heureuse. Mais la guerre des six jours incite ses parents à partir. A tort ou à raison. Pour la France et Paris. Suzy regrette son pays natal, une culture et un environnement tolérants à l'égard de toutes les religions. De mariage en mariage, Suzy Cohen découvre Bruxelles, puis le Kenya, mais elle se sent de plus en plus cosmopolite et « citoyenne du monde » : « Je reste cependant ce que je suis : juive arabe. Et d'autant plus attristée de ce qui se passe en Israël-Palestine que j'ai vécu dans un pays arabe. C'est beaucoup plus dramatique que pour quelqu'un qui vient d'Europe :
Je connais les Arabes (nous sommes, eux et nous, sémites), je les aime beaucoup, j'ai grandi parmi eux, ils font partie de ma culture et j'apprécie particulièrement leur tolérance religieuse. En fait, je suis un peu caméléon.  Ou une éponge qui prend dans chaque culture ce qui lui convient… »